L'évolution des mots dans la société cubaine à partir des années 80
La dernière décennie du XXe siècle a été riche en transformations au sein de la société cubaine et notamment celles du lexique, qui ont enrichi un vocabulaire pertinent vers le « développement » mais également vers une régression des acquis.
La crise des années quatre-vingt-dix a mis en jeu le modèle social cubain. La crise économique, les changements opérés dans la monnaie nationale, le développement du tourisme et l'introduction de nouveaux codes sociaux ont permis la naissance d’un nouveau langage qui s’est consolidé par des nouvelles inégalités sociales.
La possession de devise étrangère, et notamment le dollar nord-américain, était puni par la loi. En 1993 la loi a changé et la possession de devises a été « dépénalisée ». Les académiciens et les économistes se feront écho de la « dollarisation ». La population va rêver de cette ouverture. Les « shoppings » et les « trd[1] » apparaissent, des magasins chargés d’encaisser les devises, dont les employés ont été formés pour s'occuper d'une nouvelle clientèle, celle qui disposait « de dollars ». Les Cubains restaient bouche bée après être salué, et traités de « monsieur » ou de « madame », titres de respect pour remplacer le « compañero », né avec la révolution, et qui n'a jamais donné espace au mot « camarade ». Le dollar américain s’a répandu par l'île, le « peso cubain » a perdu sa valeur et la « monnaie librement convertible[2] » quand à elle, a été baptisée comme « chavito » du vieux lexique cubain « chavo[3] ».
Un plan étatique avait comme projet ouvrir des nouveaux commerces s'est mis en marche, et peu à peu ont disparu les panneaux « clôturé pour réparation », « fermé pour maintenance » ou « danger d’écroulement » lesquels pendaient aux portes des locaux commerciaux, fermés depuis des années soixante au moment dont la propriété a commencé à être objet des « interventions » révolutionnaires. Les restaurants, les bars et les cafétérias dans tout le pays avaient aussi été la cible des expropriations. Le manque d’entretien ainsi que la disparition de produits des marchés ont apporté de nouveaux codes. Les « merenderos » (buvettes) ont remplacé les cafétérias et la population les a baptisés péjorativement comme « les palais des mouches » et « vivier de mouches » à cause du manque d'hygiène et de l'abandon, une bonne partie du temps, fermés par « un bilan, « un inventaire » ou « il n'y a pas d'eau ».
La « dollarisation » a propulsé la « surconsommation » dans une frange de la population et la possession du billet vert a aiguisé les différences dans la société. Le « cahier » pour l'obtention de produits rationnés a perdu leur sens d’existence et l'offre a été réduite à des produits élémentaires. Il n'y a pas de mots qui peuvent exprimer le désespoir de la société cubaine et l'indifférence envers le « développement ». L'impuissance et l'impossibilité de trouver une solution aux difficultés de la réalité quotidienne ont apporté un mot qui n'a pas eu de notoriété dans la société parce qu'il a été noyé des sa naissance. Le « maleconazo[4] » de l'été 1994 résume l'insatisfaction de la population et face à cette insatisfaction, l'action des « masses », c’est-à-dire, l'autre partie de population connue comme « des brigades de réponse rapide[5] ». Le « maleconazo » a donné lieu à la deuxième plus grande vague d'émigration vers les côtes de la Floride. La fuite voir échappatoire d'une société dont l’amertume et le désespoir poussait aux gens à traverser le détroit de la Florida sur des radeaux de misères alors ils ont été baptisés ces émigrants comme « balseros[6] ».
Le problème du logement ne réussit pas à être résolu. Les lois à l’égard de la propriété du logement se sont endurcies par le biais de nouveaux amendements. Le « desalojo[7] » ayant disparu, ainsi que le « desahucio[8] », un nouveau mot s'est inscrit dans le cadre du logement : « l'extraction[9] », une manière de faire sortir les occupants d'une propriété acquise dans l’illégalité, sans recourir à « l'expulsion ». Tout cela pour le bienêtre de la « communauté[10] », avec la « participation citoyenne », sans aucune manifestation de « solidarité » de la part des voisins, devenus spectateurs de l'illégalité et de l’incroyable paradoxe du « droit de propriété ». Le « déficit » et la précarité de l’habitat à Cuba augmentent avec les charges des cyclones. Les familles qui perdent sa maison sont hébergées dans des « auberges temporels » dont le sens exact du mot « temporel » n’a pas des limites est l’hébergement devient pour toute la vie. Le gouvernement incite à la reconstruction avec des phrases et des mots assez connues et le mot « masse » revient pour affronter et résoudre ces situations. Actuellement, après les dévastations infligées par les ouragans Gustav et Ike, les autorités ont manifesté que la reconstruction des logements sinistrés requière d'une bonne dose de « mouvement massif ».
La dernière décennie du XXe siècle a été riche en transformations au sein de la société cubaine et notamment celles du lexique, qui ont enrichi un vocabulaire pertinent vers le « développement » mais également vers une régression des acquis.
La crise des années quatre-vingt-dix a mis en jeu le modèle social cubain. La crise économique, les changements opérés dans la monnaie nationale, le développement du tourisme et l'introduction de nouveaux codes sociaux ont permis la naissance d’un nouveau langage qui s’est consolidé par des nouvelles inégalités sociales.
La possession de devise étrangère, et notamment le dollar nord-américain, était puni par la loi. En 1993 la loi a changé et la possession de devises a été « dépénalisée ». Les académiciens et les économistes se feront écho de la « dollarisation ». La population va rêver de cette ouverture. Les « shoppings » et les « trd[1] » apparaissent, des magasins chargés d’encaisser les devises, dont les employés ont été formés pour s'occuper d'une nouvelle clientèle, celle qui disposait « de dollars ». Les Cubains restaient bouche bée après être salué, et traités de « monsieur » ou de « madame », titres de respect pour remplacer le « compañero », né avec la révolution, et qui n'a jamais donné espace au mot « camarade ». Le dollar américain s’a répandu par l'île, le « peso cubain » a perdu sa valeur et la « monnaie librement convertible[2] » quand à elle, a été baptisée comme « chavito » du vieux lexique cubain « chavo[3] ».
Un plan étatique avait comme projet ouvrir des nouveaux commerces s'est mis en marche, et peu à peu ont disparu les panneaux « clôturé pour réparation », « fermé pour maintenance » ou « danger d’écroulement » lesquels pendaient aux portes des locaux commerciaux, fermés depuis des années soixante au moment dont la propriété a commencé à être objet des « interventions » révolutionnaires. Les restaurants, les bars et les cafétérias dans tout le pays avaient aussi été la cible des expropriations. Le manque d’entretien ainsi que la disparition de produits des marchés ont apporté de nouveaux codes. Les « merenderos » (buvettes) ont remplacé les cafétérias et la population les a baptisés péjorativement comme « les palais des mouches » et « vivier de mouches » à cause du manque d'hygiène et de l'abandon, une bonne partie du temps, fermés par « un bilan, « un inventaire » ou « il n'y a pas d'eau ».
La « dollarisation » a propulsé la « surconsommation » dans une frange de la population et la possession du billet vert a aiguisé les différences dans la société. Le « cahier » pour l'obtention de produits rationnés a perdu leur sens d’existence et l'offre a été réduite à des produits élémentaires. Il n'y a pas de mots qui peuvent exprimer le désespoir de la société cubaine et l'indifférence envers le « développement ». L'impuissance et l'impossibilité de trouver une solution aux difficultés de la réalité quotidienne ont apporté un mot qui n'a pas eu de notoriété dans la société parce qu'il a été noyé des sa naissance. Le « maleconazo[4] » de l'été 1994 résume l'insatisfaction de la population et face à cette insatisfaction, l'action des « masses », c’est-à-dire, l'autre partie de population connue comme « des brigades de réponse rapide[5] ». Le « maleconazo » a donné lieu à la deuxième plus grande vague d'émigration vers les côtes de la Floride. La fuite voir échappatoire d'une société dont l’amertume et le désespoir poussait aux gens à traverser le détroit de la Florida sur des radeaux de misères alors ils ont été baptisés ces émigrants comme « balseros[6] ».
Le problème du logement ne réussit pas à être résolu. Les lois à l’égard de la propriété du logement se sont endurcies par le biais de nouveaux amendements. Le « desalojo[7] » ayant disparu, ainsi que le « desahucio[8] », un nouveau mot s'est inscrit dans le cadre du logement : « l'extraction[9] », une manière de faire sortir les occupants d'une propriété acquise dans l’illégalité, sans recourir à « l'expulsion ». Tout cela pour le bienêtre de la « communauté[10] », avec la « participation citoyenne », sans aucune manifestation de « solidarité » de la part des voisins, devenus spectateurs de l'illégalité et de l’incroyable paradoxe du « droit de propriété ». Le « déficit » et la précarité de l’habitat à Cuba augmentent avec les charges des cyclones. Les familles qui perdent sa maison sont hébergées dans des « auberges temporels » dont le sens exact du mot « temporel » n’a pas des limites est l’hébergement devient pour toute la vie. Le gouvernement incite à la reconstruction avec des phrases et des mots assez connues et le mot « masse » revient pour affronter et résoudre ces situations. Actuellement, après les dévastations infligées par les ouragans Gustav et Ike, les autorités ont manifesté que la reconstruction des logements sinistrés requière d'une bonne dose de « mouvement massif ».
[1] Sigles de Tiendas Recuperadoras de Divisas.
[2] Dans le lexique économique, la « monnaie librement convertible » fait référence au « peso » nommé CUC pour les échanges sur le marché.
[3] Aphérèse d’ochavo, ancienne monnaie. A Cuba équivaut à « peso ». Par ailleurs, pour souligner la perte de valeur du « peso », il devient « chavito ».
[4] En rapport à « malecón », c’est-à-dire, le « front de mer », la promenade maritime de La Havane.
[5] Brigade des citoyens prêts à contra manifester lors de émeutes ou manifestations contraires à la pensée de la révolution.
[6] Personnes qui partent sur des radeaux de fortune. Lors des événements d’août 1994, en moins d’un mois 35 000 personnes se jettent à la mer.
[7] C’était l’expulsion des paysans vivant dans les « bohíos » misérables construits sur des terres appartenant aux grands propriétaires terrains.
[8] En référence à l’expulsion des occupants des chambres et pièces loués dans les hôtels et maisons d’hôte à cause des loyers impayés.
[9] L’extraction, selon la loi générale du logement N° 65 de 1988, est l’extraction physique des occupants illégaux d’un logement, coordonnée par la Direction municipale du Logement avec l’aide de la police.
[10] Ici le mot « communauté » fait référence à la communauté des voisins vivant dans le quartier.